A finzioni est une manifestation ressemblant parfaitement à un être humain, on dit qu'elle est cambiata (litt. changée), désignant le linge blanc signe de mort qu'elle porte. ; parfois, il s'agit d'une personne que l'on reconnaît. Ils se déplacent sans parler, entrent dans la maison sans saluer, se tiennent là un moment, ne sachant pas vraiment où ils sont. Ils sont de passage, puis s'en vont. Parler de les voir serait exagéré, il s'agit plutôt de les ressentir dans beaucoup de cas. Leur visite est considérée comme annonciatrice de la mort de la personne qui nous visite ou ère, leur esprit ayant quitté leur corps et errant indépendamment de l'enveloppe charnel (on peut encore les sauver en leur disant que leur jour n'est pas venu). Cependant, il est possible que la personne soit déjà morte, et, dans ce ca, il s'agit d'une visite par réminiscence, mue par un réflexe issue de leur condition vivante. On peut la rapprocher d'i fulletti, les feux follets. Certains récits, dans un autre registre, la décrivent comme une manifestation mazzerique, notamment quand elle a la forme d'un animal, toujours blanc, le plus souvent celle d'un chien.

«C'hè qualcosa ! »
ROCCU MULTEDO

I mazzeri se caractérisent par leur regard : transperçant, il donne le sentiment de voir à travers les corps, au-délà des apparences et révélerait notre propre insignifiance ; il magnétise et marque à coup sûr celui qui le voit, signifiant cette capacité de voir à travers les plans, mais leur vision pourrait  être partagée par contact du pied.

I mazzeri voient et entendent ce que les autres ne peuvent voir et entendre avec une différenciation sexuelle cependant : u mazzeru (homme) voit dans l'ultraviolet et entend dans l'ultrason selon R. MULTEDO pour les hommes, tandis qu'a mazzera (femme), elle, verrait ce qui est caché, capacité qui serait dû à sa chevelure (les liens avec les benandanti frioulans, peut-être dans une influence lombarde commune). On voit ici un lien possible avec le druidisme, le druide (druwid-es) désignant les « très-voyants » (Roccu Multedo pense d'ailleurs u mazzeru comme un druide chrétien). I mazzeri seraient également reconnus pour leurs dispositions poétiques innées (R. MULTEDO), allant de paire avec leur hypersensitivité partagée.

« Tandis que la religion mégalithique semble surtout concentrée sur la vénération des morts, pour le mazzerisme c'est la prédiction symbolique de la mort plutôt que la vénération des personnes décédées qui importe le plus. Il est vrai que les mazzeri sont censées communiquer avec les esprits des morts, en particulier ceux qui se cachent dans les torrents et les étendues d'eau de leur terrain de chasse. Cependant leur principale activité n'est pas de reconnaître les morts mais de prévoir la mort physique, en arrachant, symboliquement, les esprits des vivants de leurs demeures charnelles. »
D. CARRINGTON, 2000

De Curtina, on en a parlé autour de nous, pour savoir des choses,ou plutôt nous les confirmer. Qualcosa c’hè, pour reprendre Roccu Multeddo. Le premier récit nous a amené à son champ d’étude , un récit autour des finzioni  : car Curtina serait connu de certains par une course nocturene, celle de sept chevaux blancs partant di u Cantonu di l’Agula (o u Castiddari) et descendraient jusqu’au château (aujourd’hui la maison) jusqu’à la source, pour boire ou passer. Je décide donc d’aller à leur recherche, avec par un autre champ du visible, l’infrarouge, afin de voir, si, selon l’autrice Dorothy Carrington, la Corse serait une île « qui ne rêve plus ». Face à la perte du récit, envisager Curtina, par son histoire stratifiée, comme une île dans un hors temps, pourrait alors peut-être nous permettre d’accéder à une autre dimension du réel.


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