WIP


01. Finzioni
Vidéos infrarouges
Installation
— 2024

02. Peugnet
Photographies
— 2024

03. Curtina
Recherche
—2023

04. Acampa
Vidéos
—2024

PROJETS


U Debbiu
︎︎︎ Vidéos

Un fleuve sortait d’Eden
︎︎︎ Installation

Soir et Matin
︎︎︎ Vidéo

Les hirondelles
︎︎︎ Édition et installation

CURTINA

Recherche
— 2022









“En l’île de Lesbos, chassant en un bois consacré aux Nymphes, je vis la plus belle chose que j'aie vue en ma vie, une image peinte, une histoire d'amour. Le parc, de soi-même, était beau; fleurs n'y manquaient, arbres épais, fraîche fontaine qui nourrissait & les arbres & les fleurs; mais la peinture, plus plaisante encore que tout le reste, était d'un sujet amoureux & de merveilleux artifice; tellement que plusieurs, même étrangers, qui en avaient oui parler, venaient là dévots aux Nymphes, & curieux de voir cette peinture. Femmes s'y voyaient accouchant, autres enveloppant de langes des enfants, de petits poupards exposés à la merci de fortune, bêtes qui les nourrissaient, pâtres qui les enlevaient, jeunes gens unis par amour, des pirates en mer, des ennemis à terre qui couraient le pays, avec bien d'autres choses, et toutes amoureuses, lesquelles je regardai en si grand plaisir, & les trouvai si belles, qu'il me prit envie de les coucher par écrit. Si cherchai quelqu'un qui me les donnât à entendre par le menu; et ayant le tout entendu, en composai ces quatre livres, que je dédie comme une offrande à Amour, aux Nymphes & à Pan, espérant que le conte en sera agréable à plusieurs manières de gens; pour ce qu'il peut servir à guérir le malade, consoler le dolent, remettre en mémoire de ses amours celui qui autrefois aura été amoureux, & instruire celui qui ne l'aura encore point été. Car jamais ne fut ni ne sera qui se puisse tenir d'aimer, tant qu'il y aura beauté au monde, & puissance de regarder; veuille le Dieu qu'exempts de passions, nous décrivions celles des autres !”

Les amours pastorales de Daphnis et Chloé de Longus.



« Ces années-là furent sans conteste les meilleures de sa vie, des années de bonheur. Du moins c’était ce qu’elle disait. Elle s’en souvenait comme d’une terre lointaine et rêvée, d’une île. »
MARGUERITE DURAS

Curtina est un domaine situé dans la commune de Sartè, en Corse. Un vaste domaine de plusieurs hectares, isolé.

En collaboration avec Yan Leandri, mon compagnon, avec qui j’ai vécu quotidiennement dans ce lieu, nous avons débuté un travail de recherche et création, sur cette “île dans une île”, où celles et ceux qui la traverse font forcément l’expérience de l’insularité.

Curtina était il y a quelques années encore la demeure de Georges Santarelli, un ancien fonctionnaire de l’administration coloniale en Abidjan. Il y vivait seul. Âgé et gravement malade des suites d’une maladie attrapée dans les colonies, il décède en 2021.
Georges n’avait pas d’héritiers, et fait le choix par amitié de léguer le domaine à la famille Leandri, qui en hérite alors.
Nous sommes ainsi devenu.e.s en quelque sorte les héritier.e.s de Georges, en nous occupant des objets qu’il laisse derrière lui. Nous avons commencé nos recherches par une première découverte : des carnets entiers de photographies de la maison, avec le même cadrage.
Cependant, des histoires autours de finzione (apparitions) dans la maison et sur le terrain nous sont parvenues avant notre arrivée, et de jour en jour, nous avons voulu saisir la charge de ce lieu. Pour cela, nous avons demander à Liviu Leandri de venir l’étudier avant que nous l’habitions.

Ainsi, si le projet a commencé par une grande recherche dans la grande masse d’archives et d’histoire, il a aujourd’hui pris forme dans une recherche vidéographique en lien avec le chamanisme corse et les croyances mazzériques.


Recherche
depuis 2022








Liviu
Vidéo sonore, 11:32, 2024



La découverte de Curtina
Photographies, Janvier 2023




La découverte de Curtina
Vidéos, Janvier 2023



Les braises et les étoiles
Vidéo, 7:58, 2024





La découverte de Curtina
Photographies, Yan Leandri, Janvier 2023



Curtina (Plan paysager aux années 60)
Tirage photographique, Yan Leandri, Novembre 2023

Curtina
Tirage jet d’encre, 120x140cm, 2024



Curtina
Tirage jet d’encre, 30x40cm, 2024


Curtina
Tirage jet d’encre, 60x70cm, 2024

La première nuit à Curtina fut empreinte de silence. Le moindre murmure pouvait alors prendre forme sur les murs. Des corps en suspend, jusqu’à la première respiration au matin, au récit d’un songe, celui de Georges, serein et endormi. Georges était dans chaque objet alors entre nos mains. Une lente fouille archéologique d’un vestige colossal. La plupart des objets sont venus des colonies, de ces trophées que l’on a plus envie d’exhiber. On y trouve aussi les espoirs, les rêves et désirs que portaient ces gens-là. Parfois nous avions les images de ces soirées mondaines au coin du feu, d’autre fois, c’était la solitude de Georges qui nous revenait. Des strates d’images et d’histoires que l’on traverse, que l’on arpente. Une île dans une autre île. On nous a parlé de ces chevaux blancs, Au dessus du rocher agrippé à l montagne, ces finzioni qui dévalent la montagne au galop. Nous avons cherché leur silhouettes dans les nappes brumeuses qui effleurent la cime des arbres. Entendez-vous le bruit de leurs sabots se mélangeant à l’appel rauque du taureau noir qui résonne dans le creux des montagnes. Le taureau noir venu un jour lui aussi nous rendre visite en songe, comme un ultime appel. L’hiver l’eau descend de toutes les montagnes alentours, convergeant toutes vers Curtina. Une eau vive et glacée, emmenant avec elle le murmure des morts. Le son clair d’une pierre jetée, pour enterrer le salut que l’on ne nous donnera plus. Une lumière aveuglante et blanche, celle du soleil au zénith, se confondant avec celle de la lune, les jours sont devenus images, figés à jamais et empreints du son éternel des paons de Curtina.



© Léna Besson